Éditeurs prédateurs

1. Qu’est-ce qu’un éditeur prédateur ?

Un éditeur prédateur se présente comme un éditeur scientifique mais son objectif est uniquement mercantile. En décembre 2019, Agnes Grudniewicz et al. ont publié cette définition dans la revue Nature : « Predatory journals and publishers are entities that prioritize self-interest at the expense of scholarship and are characterized by false or misleading information, deviation from best editorial and publication practices, a lack of transparency, and/or the use of aggressive and indiscriminate solicitation practices ».
« Les revues et les éditeurs prédateurs sont des entités qui privilégient l’intérêt personnel au détriment de l’érudition et se caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques rédactionnelles et de publication, un manque de transparence et/ou le recours à des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement » (traduction Hervé Maisonneuve, blog Revues & intégrité, billet du 16/12/2019).

Les éditeurs douteux

Les réservoirs de livres

Quel étudiant n’a jamais reçu un message soulignant l’intérêt fondamental de sa recherche accompagné d’une offre de publication alléchante ? Il s’agit d’entreprises d’impression à la demande proposant un contrat exclusif de publication en ligne d’une production scientifique. S’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’éditeurs prédateurs, leurs pratiques sont néanmoins contestables : signature de contrat exclusif avec les auteurs, rémunération des auteurs à partir d’un certain nombre de ventes, pas de travail éditorial, paiement en bons d’achats sur le site de l’éditeur, aucune révision par les pairs…

La zone grise

Certains éditeurs, tels que MDPI ou Frontiers sont considérés comme « gris » : ils répondent aussi bien aux critères des éditeurs de confiance qu’à ceux des éditeurs prédateurs. Avec les éditeurs prédateurs, ils partagent un fort taux d’acceptation des articles, des délais de publication courts… Toutefois, comme les éditeurs de confiance, ils sont membres de COPE et de l’association OASPA et sont présents dans le DOAJ.

Pour en savoir plus :
https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/2020/05/27/publier-ou-ne-pas-publier-dans-les-editeurs-de-la-zone-grise-comme-mdpi-ou-frontiers/
https://www.unige.ch/biblio/fr/openaccess/editeurs-predateurs/
https://www5.bibl.ulaval.ca/services/redaction-et-citation/redaction-de-memoires-et-de-theses/mise-en-garde-editions-universitaires-europeennes-et-presses-academiques-francophones
https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/2019/03/19/editeur-mdpi/
https://www.redactionmedicale.fr/2021/11/fortement-recommande-eviter-les-revues-du-groupe-mdpi

Depuis quelques années, ce modèle de lu libre accès est détourné par des éditeurs dits « prédateurs » : les auteurs sont appelés à publier dans des revues contre paiement de frais de publication. La différence réside dans le traitement des publications : par de révision par les pairs, fausses allégations de visibilité garantie scientifique inexistante, spam… L’unique objectif, dans ce cas, est de faire du profit. Ces éditeurs n’opèrent donc pas de révision des soumissions et publient un maximum d’articles.

Détournement de la voie dorée

La voie dorée, en libre accès, désigne le modèle « auteur-payeur » dans lequel l’auteur paie des frais de publication afin de rendre son article accessible par tous sur le site de l’éditeur. Proposé par de grands éditeurs scientifiques reconnus, ce modèle permet aux chercheurs de diffuser largement leur recherche tout en bénéficiant de la qualité d’édition d’une revues scientifique (révision par les pairs, qualité éditoriale, visibilité…).

CC-BY Magalie Le Gall

Pour en savoir plus :
https://predatory-publishing.com/
https://www.nature.com/articles/d41586-019-03759-y
https://coop-ist.cirad.fr/publier-et-diffuser/eviter-les-revues-et-editeurs-predateurs/liens-utiles
https://ist.blogs.inrae.fr/questionreponses/focus-sur/les-editeurs-predateurs-le-cote-obscur-de-lopen-access/
https://www.redactionmedicale.fr/predateurs

2. Quels sont les risques à publier dans une revue prédatrice ?

A priori, on peut se dire que publier dans une revue prédatrice n’est pas si grave : on perd juste un peu d’argent… Mais pas seulement ! Ne proposant pas de véritable révision par les pairs, les éditeurs prédateurs publient sans garantie scientifique. Ainsi, publier chez un éditeur prédateur peut :

  • entacher un CV en publiant dans une revue sans révision par les pairs
  • entraver la diffusion des articles d’un chercheur puisque celui-ci n’apparaîtra pas dans les bases de données scientifiques (fausses allégations d’indexation des revues prédatrices)
  • causer des problèmes juridiques liés à la propriété intellectuelle si vous signez un contrat de cession des droits d’auteurs pour une utilisation commerciale sans avoir obtenu l’accord de tous vos co-auteurs, illustrateurs, photographes…

3. Comment les reconnaître ?

Les éditeurs prédateurs font tout pour ressembler à une publication scientifique sérieuse : site web, comité éditorial, formulaire de soumission, liste de bases de données dans lesquelles la revue est indexée… Pour s’en prémunir, il est important de rester vigilant, s’informer et acquérir les bons réflexes.

Les bons réflexes

Voici quelques indices pour repérer une revue non légitime listés par le site sur la Science ouverte, de l’université Rennes 1 :

  • « Invitation à publier envoyée par mail au chercheur (spam).
  • Adresse mail de contact non professionnelle (de type gmail par exemple).
  • Les manuscrits doivent être soumis par email.
  • Revue qui promet une publication extrêmement rapide.
  • Pas de transparence sur le peer-reviewing.
  • Pas de transparence sur les frais de publication (APC).
  • Frais de publication modestes (ex : inférieurs à 150$).
  • Frais d’accès ou embargo sur la diffusion.
  • Orthographe et grammaire incorrectes (site ou message).
  • Facteurs d’impacts erronés (consultez les Journal of Citation Reports)
  • Le site de la revue met en avant un Index Copernicus.
  • Absence de politique de rétractation. »

Ces critères ne sont ni exhaustifs, ni nécessaires. La revue prédatrice réunit en général plusieurs critères négatifs, mais pas forcément tous : le but est de se faire passer pour une véritable revue scientifique…

Voir aussi :
https://scholarlyoa.com/criteria-for-determining-predatory-open-access-publishers-2nd-edition-2/

Les outils

Le premier réflexe à acquérir est de rester vigilant. Il existe toutefois des outils pour vous aider à évaluer la qualité d’un éditeur ou d’une revue.

Listes d’éditeurs et de revues

Plusieurs listes existent : celles qui listent les revues prédatrices, celles qui listent les revues de confiance, des listes gratuites, des listes payantes… La plus connue, et aussi la plus ancienne de toutes, est la liste de Jeffrey Beall. Fermée en 2017 à la suite de pressions, elle répertoriait les éditeurs prédateurs en accès ouvert. Une archive de cette liste existe toujours à l’adresse suivante, mise à jour sous anonymat par un chercheur.

Memed_Nurrohmad de Pixabay

Après la fermeture du site de Jeffrey Beall sont apparues deux listes créées par l’entreprise Cabell : une liste de revues de confiance, vérifiées par leurs équipes, et l’autre de revues prédatrices ou douteuses. Ces listes sont payantes.

D’autre part, le DOAJ publie les listes des revues ajoutées et retirées de la plateforme.

Mais attention : les listes de revues ne sont pas exhaustives ! Ce n’est pas parce qu’une revue n’est pas inscrite sur liste noire qu’il s’agit d’une revue de confiance… Les listes peuvent ainsi être trompeuses et, si elles constituent un outil de vérification rapide, ne peuvent être le seul outil de vérification.

Blogs et sites

De nombreux blogs et sites présentent des articles ou des retours d’expérience sur les éditeurs prédateurs. Ils permettent de se familiariser avec les pratiques de ces derniers : exemples de messages, nouvelles formes de prédation, controverses…

Ainsi, par exemple, le site Predatory Publishing présente une conversation totalement absconse avec un éditeur possiblement prédateur dans laquelle un auteur demande à poser une question au rédacteur en chef.

Le blog Flaky academic Journals présente de nombreux exemples de revues douteuses et analyse de manière très synthétique leur degré de confiance : absence d’éditeur en chef, délais d’acceptation très courts, fausse adresse, spam… Chaque analyse est suivie de conversations par mails truffées de tournures emphatiques et obséquieuses, de syntaxe approximative…

La revue Nature propose, dans chaque numéro, une réflexion sur l’édition scientifique. De nombreux articles abordent la thématique des éditeurs prédateurs : évolution des revues prédatrices, impact scientifique des articles, définition, outils…

Le site Revues et intégrité publie quotidiennement des informations sur l’édition scientifique : les revues prédatrices, la révision par les pairs, l’accès ouvert… Ils diffusent des conseils et des outils pour lutter

Think Check Submit

Le DOAJ, l’INASP, l’ISSN, LIBER, OASPA, STM et UKSG se sont associés pour créer l’outil Think. Check. Submit. Chaque étape de l’outil propose une liste de questions à se poser pour déterminer la qualité de la revue.

Exemples de questions :

  • Do you or your colleagues know the journal?
  • Can you easily identify and contact the publisher?
  • Are articles indexed in services that you use?
  • etc.

Compass to publish

L’université de Liège a créé l’outil Compass to Publish, qui permet d’évaluer une revue en accès ouvert en quelques clics. Un questionnaire guide l’usager, pas à pas, afin de déterminer si la revue testée est légitime ou non. Si l’on prend le temps de vérifier et de répondre à toutes les questions, ce logiciel donne une réponse très claire, sous la forme d’un éventail dans lequel la revue concernée se positionne plutôt d’un côté ou de l’autre, avec de possibles nuances.
La réflexion déroulée par l’outil permet, petit à petit de se familiariser avec les indices, d’acquérir petit à petit des réflexes face à une revue inconnue : l’ISSN correspond-il bien au titre de la revue ? Le comité de rédaction est-il indiqué ? La revue est-elle vraiment indexée dans les bases de données qu’elle revendique ?…

Grille d’évaluation

La PDCI (Promotion du développement des compétences informationnelles) est une structure travaille avec l’université du Québec pour assurer aux étudiants la maîtrise de compétences informationnelles. Cette structure a développé une grille d’évaluation très complète afin d’évaluer la qualité d’une revue :

Accès à la page de PDCI sur les éditeurs prédateurs
Accès direct à la grille d’évaluation

4. Comment reconnaître une revue de confiance ?

Il est bon aussi de savoir reconnaître une revue de confiance. Quelques indices peuvent vous mettre sur la voie :

  • La revue est référencée dans le DOAJ.
  • L’éditeur est membre de l’OASPA ou de COPE.
  • L’ISSN correspond au titre déposé.
  • Les membres du comité éditorial sont listés sur le site de la revue, avec leurs affiliations et il est possible de les contacter.
  • Le processus de révision par les pairs est précisé : révision en simple aveugle, double aveugle, etc…
  • Les frais de publications sont indiqués sur le site de la revue.
  • La revue est présente sur les bases de données qu’elle met en avant sur son site. Par exemple, si une revue annonce être présente sur Scopus, il est bon de vérifier si elle y est vraiment indexée.

Pour en savoir plus :
https://coop-ist.cirad.fr/publier-et-diffuser/eviter-les-revues-et-editeurs-predateurs/1-qu-est-ce-qu-une-revue-predatrice-ou-un-editeur-potentiellement-predateur
https://thinkchecksubmit.org/
https://predatory-publishing.com/email-discussion-with-a-possible-predatory-journal/ discussion avec un éditeur douteux (répertorié dans la Beall’s list)
https://predatory-publishing.com/
https://www.nature.com/articles/d41586-021-02906-8
https://www.redactionmedicale.fr/2020/10/revues-predatrices-un-poster-et-un-depliant-en-francais-a-diffuser-dans-votre-environnement
https://www.redactionmedicale.fr/?s=pr%C3%A9datr
http://flakyj.blogspot.com/ blog de recensement des revues prédatrices, avec des exemples de mails

Crédits des images :
Committee on Publication Ethics, Public domain, via Wikimedia Commons
OASPA, Public domain, via Wikimedia Commons
Directory of Open Access Journals, Public domain, via Wikimedia Commons